Bertrand Théry

par http://www.securiteroutiere.gouv.fr/data/revue/revue139/point_de_vue.html

Bertrand Théry, sapeur-pompier reporter dans le Pas-de-Calais, vient de réaliser son deuxième film intitulé "Rouge et Noir". Une façon de lutter contre l’insécurité routière en frappant les esprits.

Pourquoi avoir intitulé votre dernier film Rouge et Noir ?

Rouge pour le sang. Noir pour le bitume. Rouge et noir pour le sang des accidentés qui coule sur le bitume! Voilà au fond la réalité des accidents, tel qu’on le découvre en débarquant sur les lieux, avec toute cette ferraille froissée, ces véhicules retournés ou sur le flanc, et pour finir le corps des victimes, étendues autour ou prisonnières dedans. Mais aussi, après coup, la réalité de la souffrance des proches de la victime ou celle de l’accablement des urgentistes, des pompiers ou des gendarmes face à certains accidents.

Pourquoi réaliser un tel film ?
Pour prévenir, bien sûr. Encore et toujours. Trouver le bon ton, les bonnes images, les bons mots qui puissent frapper les consciences des jeunes et des adultes. Comme sapeur-pompier volontaire, je peux être prévenu immédiatement et j’ai donc la possibilité de filmer les accidents impliquant des secours d’urgence. Par ailleurs, mon engagement dans la lutte contre l’insécurité routière n’est pas lié à un drame personnel. Aucun proche de ma famille, ni moi-même, n’a été victime d’un accident grave, ce qui me donne un certain détachement.

D’où vous vient ce sens du "bon ton, de la bonne image" ?
À l’IUT de Lens, un institut spécialisé dans les services et réseaux de télécommunications, je donne deux jours par semaine des cours de techniques de montage et de reportage à plus de trente élèves. J’ai donc conscience du travail formel à réaliser sur un film. J’ai tenu, par exemple, à faire le film de l'Association VIVRE " La route ce n'est pas la mort, c'est pire ! " en septembre 2001 , film de 21 minutes, hors format télévisuel, précisément pour qu’il soit diffusé ailleurs que sur le petit écran (lors de colloques à Rouen) et dans de bonnes conditions de restitution (son, qualité d’image, écran). Tout pour assurer un confort au spectateur et capter ainsi au maximum son attention. J’ai réalisé par ailleurs un clip beaucoup plus court et composé de rapides séquences d’images chocs pour les discothèques. Avec l’accord des gérants, il est diffusé en boucle pendant une demi-heure en début de soirée lors de soirée étudiante ou les soirées du conducteur de VIVRE.

En somme, vous ne laissez rien au hasard dans vos films ?
Si ! Le témoignage des victimes ou des urgentistes. Ce sont leurs mots. Et la façon de restituer leur histoire, leur souffrance ou leur espoir est pour beaucoup dans la réussite du film. Prenez les parents de Maeva, cette petite fille de 3 ans rendue tétraplégique suite à un terrible choc frontal. Ils se sont portés volontaires auprès de l'association pour témoigner et faire revivre à la caméra le drame de leur accident et de ses conséquences dans leur vie quotidienne. L’histoire est suffisamment intense. Pas besoin d’artifices techniques pour se sentir directement touché. Et d’ailleurs, quoi de plus significatif que de recueillir le témoignage des victimes ou des proches et de mettre en rapport une imprudence – oublier de mettre sa ceinture, par exemple, ou la jugulaire de son casque – et ses conséquences dramatiques ?

C’est pour cette raison que vous recueillez également le témoignage des urgentistes ?
Absolument. Leur témoignage est tout aussi édifiant. Ils racontent l’impuissance face à certaines situations, l’accablement d’avoir à annoncer la mort d’un jeune garçon à sa mère et, finalement, la colère et le ras-le-bol de devoir supporter psychologiquement des drames qu’il est parfois si facile d’éviter. Moi-même, comme sapeur-pompier volontaire, c’est cette colère qui m’anime et me pousse à faire des films, pour que ça change. Désormais, si l’on me demande le nom d’une victime, je réponds toujours : "il s’appelle un mort de trop..."

Des projets ?
L’urgence aujourd'hui, c’est la diffusion de Rouge et Noir. À raison de deux séances par mois depuis octobre 2003, je n’ai pu encore projeter le film qu’auprès de 2500 personnes. Heureusement, la préfecture du Pas-de-Calais, par exemple, organise de son côté des projections à l’occasion d’opérations de sécurité routière dans les entreprises. Je suis par ailleurs sollicité par d’autres lycées du département, et par de grandes entreprises comme EDF ou Heineken qui disposent d’une usine à Lille. Comme je ne peux pas toujours être disponible, je travaille d’urgence à la mise à disposition sur Internet d’une version téléchargeable, légale et gratuite du film. Après on verra ! J’aimerais consacrer un film au problème très concret de la ceinture pour les enfants, en particulier au niveau des trajets domicile école. Ce sujet est beaucoup trop souvent négligé. Et puis il y a ces histoires de feux grillés : il faudrait définitivement enfoncer dans le crâne des conducteurs le réflexe de freiner à l’orange !


> Pour en savoir plus : rouge.noir@wanadoo.fr , prochainement, le film Rouge et Noir devrait être téléchargeable sur le site du Service Départemental d'Incendie et de Secours du Pas-de-Calais (SDIS) et sur le site internet de l'Association VIVRE www.vivreavec.fr.st.

De la caméra à la caserne :

Très jeune, Bertrand Théry, fils d’un illusionniste, s’est intéressé à la partie technique des spectacles de son père : son, lumière et vidéo. Des études de maintenance en productique ne le détournent pas de cette première vocation. Et depuis dix ans, il exerce le métier de cameraman pour France 3, rubrique "faits divers". Homme de terrain, réactif, il est souvent là où ça chauffe dans le département du Pas-de-Calais. "C’est la mémoire d’une époque et de la vie d’une région qui s’accumule aussi peu à peu dans chacune de mes images. En dehors de mes propres réalisations, je trouve important ce travail de recueil anonyme", explique-t-il. Urgentiste à sa façon, il ne tarde pas à croiser la route du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours). Pendant trois années, il s’engage aux côtés des pompiers des casernes de Lens et de Liévin, fait ses preuves et gagne leur confiance comme preneur d’images. Il signe un contrat de volontaire en 2000, avec ce statut particulier de sapeur-pompier reporter : 50 interventions par an en moyenne et, espérons-le, moins à l’avenir, et comme tous, il est équipé et bipé en temps réel. C’est là que naît son engagement pour la sécurité routière. Il rencontre l'association VIVRE et son président François-Xavier Michenet en mars 2001, ils co-réaliseront les deux films "La route ce n'est pas la mort, c'est pire!" en septembre 2001 et "Rouge et Noir" en septembre 2003.

Interview de Bertrand THERY par http://www.securiteroutiere.gouv.fr/data/revue/revue139/point_de_vue.html

Sapeur-pompier reporter dans le Pas-de-Calais, Bertrand THERY vient de réaliser son deuxième film intitulé "Rouge et Noir".

Une façon de lutter contre l’insécurité routière en frappant les esprits.